‘ Don't worry boy, it will be okay, i promise you... ’ Cette phrase? il l'avait entendue toute son enfance. Quelque soit la circonstance, il l'entendait. Quand son père s'énervait après lui, quand il tombait et s'écorchait les genoux... Mais là, c'était tout différent. Il s'agissait du grand bal, du bal des finissants, du bal de promo. Il y allait avec Robyn, sa copine. Tous les deux formaient le couple stéréotypé des Etats-Unis, mais lui, s'en fichait totalement. Il était bien avec elle et c'était tout ce qui importait. Sa mère était en train de lui ajuster son noeud papillon. Tout ce qu'espérait Taylor, à cet instant précis, c'était qu'il serait élu roi du bal. C'était stupide, oui, mais au moins, il aurait été capable de quelque chose que son frère aîné, Christopher, n'avait pas été capable de faire.
Il était l'avant dernier de la famille Strauss, précédé de James et Rachel, et suivi de Rosalie. Ils avaient tous deux ans d'écart. Sauf Taylor qui n'avait pas exactement deux ans de moins que Rachel. Bien qu'il n'ait jamais été mis de côté, il se sentait oppressé: tout le monde lui vantait tellement les mérites de Christopher qu'il ne savait pas comment faire pour que ce soit ses mérites à lui et à personne d'autre. Même l'accident de Christopher, un an plus tôt, avec sa petite amie désormais amnésique n'avait rien changé.
Mais maintenant c'était à son tour de briller un peu, même s'il se serait volontiers passé des projecteurs de la salle de bal pour cela.
Être avec Robyn avait toujours eu ce côté rassurant: elle connaissait sa famille, ses faiblesses, mais elle ne le jugeait jamais sur ce qu'il aurait pu faire, comme il avait l'impression que c'était le cas avec le reste de sa famille.
La nuit du bal, ils couchèrent ensemble pour la première fois. Sans comprendre quelle étrange raison le poussait à faire ça, le lendemain matin, Taylor cassa avec elle. Malgré les raisons improbables qu'il lui donna, une chose était vraie: le problème, c'était lui, pas elle. Il était trop peureux d'assumer ses sentiments avec elle: il aimait être avec elle, ce n'était pas cela le problème. Il était simplement effrayé que les choses ne deviennent plus sérieuses entre eux. Il n'était pas prêt ...
‘ I'm... i'm pregnant... ’ Sa voix était tremblante. Tandis que ses yeux à lui étaient froids, dénués de sentiments. Il l'aimait toujours, mais elle lui en voulait. Il pensait qu'elle prenait la pilule, à l'époque. Même s'ils n'en avaient jamais parlé, en fait. Toujours aussi froid, il lui avait bien fait comprendre qu'il ne voulait pas être père et qu'elle devrait donc se débrouiller toute seule. Il s'en voulait, il l'avait sûrement faite pleurer, mais il s'était contenté de tourner ses talons. Pas la peine d'endurer le calvaire de la voir pleurer par sa faute. Il l'avait suffisamment faite souffrir comme ça.
Plus tard, la rumeur courrait qu'elle avait perdu son bébé. En tout cas, c'était ce que disaient toutes ses copines de secondaire. Il aurait voulu être là, à la consoler, mais il était trop heureux de voir son souci principal disparaître. Puis la rumeur parlait qu'elle avait préféré partir étudier à New-York...
À l'université, repéré par des sélectionneurs de soccer, il intégra l'équipe de la ville de Chicago. Désormais, le foot était sa raison de vivre, ce qui faisait de lui ce qu'il était et qui le rendait différent de son frère, le fabuleux militaire qui était prêt à donner sa vie pour celle des autres. Même si la complicité avec Chris avait toujours été présente dans leur relation, Taylor avait toujours été jaloux de son frère et rien ne semblait vouloir changer ce fait.
Lorsqu'il atteignis ses vingt et un ans, Rachel, la plus jeune sœur de la fratrie, décéda, tuée par balle, sous les yeux d'Aleeha. Ce fut un coup dur pour toute la famille. Cependant, Taylor n'en a jamais parlé à personne.
‘ And Chicago win this match! ’ hurlait le commentateur. Le stade était en effervescence. C'était totalement utopique. Toute l'équipe accourrait vers lui. Il avait marqué le but qui les avait fait gagner après quatre vingt douze minutes de match plus une séance de tirs au but. Il était tellement fière. Ils venaient d'écraser la grande équipe de Los Angeles, ce qui était un exploit vu la différence de niveau. La fête pour les joueurs de l'équipe promettait d'être immense: dans les vestiaires, les autres en parlaient comme si ce serait l'événement du siècle. Il fut le dernier, ce jour-là, à quitter les vestiaires. Ravi, son sourire disparut rapidement quand, en sortant, il la croisa. Ses yeux bleus qu'il connaissait si bien et qu'il avait tant aimés. Son visage se voulait inexpressif, mais il se doutait que ce ne serait pas forcément évident. Alors qu'elle s'apprêtait à lui parler, il l'avait devancée et lui avait dit d'une voix froide qu'il avait tourné la page, qu'il l'avait oubliée et qu'elle devrait en faire autant. Et il était parti sans un mot de plus, sans même se retourner, alors qu'il ne pensait pas un traître mot de ce qu'il venait de dire.